La France de 2020 n’est plus celle de 1920, ni celle de la Libération. Elle est aujourd’hui, notamment en raison d’une immigration progressive extra-européenne qui s’est déroulée sur quelques soixante années, beaucoup plus riche de diversité aussi bien ethnique que confessionnelle. Pour en accepter l’évidence, encore faut-il ne pas se laisser aveugler par une vision mélancolique, nostalgique et surtout erronée d’une société française d’autant mieux idéalisée qu’elle appartient définitivement au passé.
Le « vivre ensemble » ! Cette formule aujourd’hui couramment pratiquée par les sociologues, le personnel politique et les médias, traduit toutefois implicitement mais assez bien l’état d’esprit général qui règne au sein d’une société nationale fragmentée, en perte de confiance sur la réalité et l’efficacité de ce qui liait naguère ses composantes et sur l’existence de valeurs communes. Une société que Jérôme Fourquet qualifie d’« archipel français »[1] : des communautés à l’esprit insulaire et aux communications réduites dans une République schizophrène qui se dit « une et indivisible. » Mais ce pays est-il si fragmenté que cela ? Au cours des longues semaines de confinement sanitaire de ce printemps 2020, dans les quartiers pauvres de la banlieue parisienne, à forte densité de population de confession musulmane, ceux que l’on appelle « les grands frères » étaient là, spontanément, sur les places et les trottoirs, pour faire respecter par les plus jeunes les règles du confinement.
Cette grave crise sanitaire provoquée par le SARS-Cov-2 n’a pas encore produit tous ses effets, loin de là. Une crise économique et sociale de grande ampleur couve sous le déconfinement à peine entamé de ces jours de mai et de juin. Avec pour la partie la plus fragile de la population française et en particulier celle des zones urbaines les plus pauvres, au chômage déjà endémique, la crainte d’un total déclassement, d’une marginalisation encore plus marquée. C’est pourrait-on dire l’heure de vérité de la France. C’est maintenant ! Le moment est historique et la France ne doit pas manquer ce rendez-vous. Aux côtés des institutions catholiques, protestantes, israélites, les musulmans de France, avec le Conseil Français du Culte Musulman, les imams dans les mosquées, les relais dans les quartiers, ont un rôle immense à jouer.
Ce document a pour vocation de montrer, sous tout une série de facettes différentes mais qui se complètent, une autre vision, positive, de l’islam dans ses rapports à la République française.
[1] L’Archipel français : naissance d’une nation multiple et divisée, Paris, Seuil, 2019.